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Expo photos "Monstreuil confiné" à Zeugma Librairie

Thèmes :
Lutte des classes, travail et internationalisme Lutte des migrant·es et sans-papiers, antiracisme politique, décolonisation Lutte pour la protection de l’environnement, écologie Lutte contre le patriarcat, féminismes Surveillance, répression, libertés, technopolice

Quand ?

Cet événement est passé
Mardi 13 mai de 00h00 à 23h59,

Où ?
Zeugma
Avenue Walwein 93100 Montreuil

"Monstreuil confiné - Quand le béton transmet sa fièvre au bitume"

Exposition du 13 mai au 14 juin

Les photos sont réalisées exclusivement à Montreuil pendant le premier confinement, du 17 mars au 11 mai 2020. Mars-mai, ça ne vous rappelle rien ? La Commune de Paris, bien sûr ! Les plus sensé.e.s vous diront : « Avec moins de morts ! »

N’en déplaise à Jupiter ou à Vulcain... en une semaine, la Semaine sanglante, l’armée versaillaise a fait plus de morts que n’en a fait la Covid, cet « ennemi invisible », durant la première vague (mars-juillet 2020) dans toute la région parisienne ! Et ne me menez pas sur le terrain des chiffres, je l’ai abandonné depuis que j’ai fait mien le slogan : « Ils ont les chiffres, nous sommes le nombre ! »

Durant son intervention télévisée du 16 mars Macron a dû employer sept fois le mot guerre dont six fois utilisé dans l’anaphore « nous sommes en guerre » !
Régner par la peur...

Ce pouvoir, que le grondement jaune de la rue faisait tanguer depuis plusieurs mois, a vu ses jours s’iriser pendant la pandémie pour s’enluminer à sa sortie... Confiné.e.s des journées entières et pendant longtemps, nous étions groggys et torpides. La réforme des retraites est passée comme si de rien n’était ! Nous avons accepté de signer, chacun pour soi-même, l’autorisation de sortir une heure par jour : nous accepterons d’avaler toute sorte de couleuvres...

En m’autorisant à sortir, je me suis autorisé à prendre ces photos. En signant cinq à six formulaires par jour, je me soumettais autant de fois au dictat de Macron et son gouvernement ; mais cela, je l’ai compris bien après... Il y a la Covid longue et son alter ego, l’hébétude longue...

La peur s’est installée et la réflexion s’est sclérosée : masques pas masques, vaccin ou médicament, Raoult pas Raoult... et un tas de faux débats... le téléphone, unique moyen d’écouter et de parler à quelqu’un, est devenu source de dispute et de brouille, la moindre contrariété, la moindre variation dans l’intonation de la voix irrite l’esprit et provoque la colère... Le courriel s’est imposé comme vaccin, relativement efficace, anti-ruptures-définitives.

Ce n’est pas en ces moments d’alanguissement long et généralisé qu’on doit s’étonner des vacillations de la pensée et de l’expression.

En plus des chuchotements et des mugissements des murs à travers banderoles, pancartes et tags, le bouillonnement de la rue montreuilloise était nettement décelable. En effet, la rue s’ébranlait de temps à autre, probablement pour éviter aux murs fiévreux leur effondrement : rage dedans ! Le béton transmet sa fièvre au bitume, belle osmose !

Pour entretenir l’illusion de leur indispensabilité, les premiers de cordée, responsables de la cynique muflerie de la société, se réfèrent, dans leurs récits et discours à la mythologie grecque ; à ses dieux ils s’identifient. Et ça pénètre l’imaginaire populaire !

Néanmoins, cet imaginaire se nourrit aussi des caresses des rêveries, certes souvent appuyées, parfois maladroites mais toujours sincères, d’une partie de celles et ceux qui ne possèdent rien ou sont dépossédé.e.s de tout. Une minorité, « pommes pourries », comme ses ennemis de classe aiment l’appeler. Cette minorité décriée sait qu’elle ne peut compter ni sur les dieux, ni sur les rois, ni sur les tribuns, ces moulins à parole rompus à la maîtrise des éléments de langage et à l’exercice de la formule. Ces combats quotidiens et ces luttes permanentes sont leurs seules références.

C’est à ces pommes pourries que nous devons cette exposition et à elles, elle est dédiée.

Vous ne confinez pas nos colères ! Les plus précaires ouvrent la voie...

Le 4 avril, les occupants du 138, rue de Stalingrad, des sans-papiers de l’ancien foyer Bara, sont sortis battre le pavé, réclamant des papiers et un relogement digne. La manifestation s’est déroulée dans le calme jusqu’à sa destination finale : feu la boulangerie bio autogérée La Conquête du pain, à l’angle de la rue de la Beaune et de la rue Jules-Ferry.

Le 20 avril, un rassemblement d’une centaine de personnes devant l’Hôtel de Ville dénonce les violences policières dans les quartiers populaires, notamment à Villeneuve-la-Garenne...

Le 1er mai, nous avons eu droit à trois rassemblements. Les deux premiers, place du marché de la Croix-de-Chavaux et place Jean-Jaurès, devant la mairie, ont été rapidement dispersés, et beaucoup de participant.e.s verbalisé.e.s ; le troisième, celui de la Boissière, ne s’est pas fait inquiéter du tout. Un cortège avec banderoles a déambulé tranquillement dans des rues dépeuplées.

Certaines photos du 1er mai et la quasi-totalité des photos de la manif des ex-Bara ne sont pas mon oeuvre, elles ont été glanées ça et là sur Internet (1).

Sans le précieux concours, totalement désintéressé, de certaines belles personnes, l’exposition serait restée un doux rêve confiné dans un classeur rangé dans ma bibliothèque. Je pense à Gilles Lamotte l’embellisseur des photos, Didier Bodar le concepteur du catalogue, des affiches et des cartes postales, Basile le Montreuillois à Saint-Blaise pour les beaux cadres, Richard le photographe Accro-Photo (Croix-de-Chavaux), Ambroise de Roto et enfin Binour Latrous le monteur/compositeur de l’expo.

D’une idée individuelle est né un projet collectif.
Merci pour ce moment de communisme réel.

— Kamel SABRI

(1) Les photos signalées par un point rouge sont susceptibles d’être soumises à des droits d’auteur.