Discussion sur l’établissement à partir du film "L’Établi" de Mathis Gokalp
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"name": "Discussion sur l\u2019\u00e9tablissement \u00e0 partir du film \"L\u2019\u00c9tabli\" de Mathis Gokalp" ,
"description": "https:\/\/www.agendamilitant.org\/Discussion-sur-l-etablissement-a-partir-du-film-L-Etabli-de-Mathis-Gokalp.html \n\nAvant mai 68, le PC voit na\u00eetre de nombreux groupes form\u00e9s en son sein devenir dissidents, voulant s'\u00e9carter de la ligne post-stalinienne en r\u00e9action \u00e0 la politique de l'URSS, jug\u00e9e alors « r\u00e9visionniste ». Ces groupes s'enthousiasment alors pour la (sanglante) R\u00e9volution culturelle chinoise pouss\u00e9e par Mao, et voit dans la Chine la nouvelle patrie mod\u00e8le du marxisme-l\u00e9ninisme. \n\nEn mai 68, dans les gr\u00e8ves et les occupations travers\u00e9es par un foisonnement de tendances tr\u00e8s diverses (libertaires, trotskistes, marxiste-l\u00e9ninistes, mao-spontex\u2026), les mao\u00efstes constituent une part importante du mouvement. Quand celui-ci touche \u00e0 sa fin, enterr\u00e9 par les accords de Grenelle sign\u00e9s par la CGT, c'est l'occasion pour eux de pr\u00f4ner la prise de distance avec les syndicats et de recentrer l'activit\u00e9 sur la cr\u00e9ation de l'organisation « \u00e0 la base » au sein m\u00eame des usines, avec l'incorporation volontaire de militants de l'avant-garde mao\u00efste dans les usines, cens\u00e9s proc\u00e9der \u00e0 l'accentuation des luttes internes aux fabriques contre les tendances r\u00e9formistes et « r\u00e9visionnistes » et pousser l'id\u00e9ologie marxiste-l\u00e9niniste. C'est le mouvement des \u00e9tablis. \n\nDe nombreux intellectuels mao\u00efstes vont ainsi cacher leur statut initial et se faire embaucher dans les usines comme ouvriers sp\u00e9cialis\u00e9s. Robert Linhart, normalien, \u00e9l\u00e8ve de Louis Althusser, et militant mao \u00e0 la Gauche Prol\u00e9tarienne, est l'un deux. Il se fait embaucher \u00e0 l'usine Citro\u00ebn \u00e0 Porte de Choisy en septembre 1968 et reste \u00e0 travailler 1 an dans l'assemblage et le travail \u00e0 la cha\u00eene. Il en tirera le livre \"L'Etabli\" sorti en 1978, o\u00f9 il d\u00e9taille premi\u00e8rement son accommodement difficile \u00e0 la vie d'ouvrier (la duret\u00e9 du travail \u00e0 la cha\u00eene, les gestes r\u00e9p\u00e9titifs harassants, la fatigue physique, les brimades et les pressions exerc\u00e9es par les petits chefs) mais aussi l'organisation du travail \u00e0 l'usine par les m\u00e9thodes de surveillance, la r\u00e9partition raciste des ouvriers, les rapports quotidiens avec les syndicats. Puis, le livre donne le r\u00e9cit de l'organisation de la lutte dans l'usine \u00e0 travers le d\u00e9clenchement d'une gr\u00e8ve et les d\u00e9bats, les d\u00e9lib\u00e9rations et les n\u00e9gociations qu'elle provoque. \"L'Etabli\" a \u00e9t\u00e9 adapt\u00e9 en film en 2023 par Mathias Gokalp. On se propose de le visionner ensemble puis de discuter plus largement de la question de l'\u00e9tablissement, en profitant de quelques retours d'exp\u00e9rience. \n\nCe sera l'occasion ainsi d'interroger la pratique de l'\u00e9tablissement et ce qu'elle traduit dans le rapport id\u00e9ologique et f\u00e9tichiste \u00e0 la « classe ouvri\u00e8re » et \u00e0 en « faire l'exp\u00e9rience de sa condition » dont ont pu faire preuve les maos mais aussi d'autres sous des formes diff\u00e9rentes. On se rappelle que presque 40 ans auparavant, Simone Weil, jeune professeur de philosophie et r\u00e9volutionnaire, d\u00e9cidait \u00e9galement de devenir ouvri\u00e8re sur presse chez Alsthom puis fraiseuse chez Renault, exp\u00e9rience dont elle contera la duret\u00e9 dans son Journal d'usine. Comme Linhart d'ailleurs, elle abr\u00e9gea son exp\u00e9rience en raison d'un \u00e9puisement physique et psychologique (de fait, peu d'\u00e9tablis iront jusqu'\u00e0 d\u00e9passer quelques ann\u00e9es d'\u00e9tablissement face \u00e0 la duret\u00e9 du quotidien mais aussi les changements dans le quotidien qu'il implique face \u00e0 la famille, les amis, les coll\u00e8gues \u00e0 l'usine\u2026), voyant de fait que l'\u00e9crasant quotidien ouvrier laisse plus difficilement la place \u00e0 la lutte. \n\nOn pourra aussi r\u00e9fl\u00e9chir plus largement au rapport des r\u00e9volutionnaires \u00e0 l' « enqu\u00eate ouvri\u00e8re » (c'est-\u00e0-dire l'id\u00e9e qu'il faut enqu\u00eater sur les conditions de vie concr\u00e8te des ouvriers pour parfaire la th\u00e9orie et la pratique r\u00e9volutionnaire) pr\u00f4n\u00e9 r\u00e9guli\u00e8rement par des r\u00e9volutionnaires depuis le XIXe si\u00e8cle, de Karl Marx aux op\u00e9ra\u00efstes italiens dont certaines th\u00e9ories ont eu une influence dans l'Automne Chaud et le Mai Rampant italien en passant par les maos, qui ont pouss\u00e9 cette r\u00e9flexion \u00e0 son paroxysme. \n\nSur un autre plan, s'il y a fort \u00e0 critiquer dans le rapport id\u00e9ologique \u00e0 l'usine et \u00e0 « faire l'exp\u00e9rience de la vie de l'ouvrier », berc\u00e9 par les illusions autoritaires et ouvri\u00e9ristes mao\u00efstes, il reste de l'exp\u00e9rience de tous ces \u00e9tablis un engagement cons\u00e9quent, un d\u00e9vouement \u00e0 la lutte, qui para\u00eet en d\u00e9calage avec notre \u00e9poque, o\u00f9 la r\u00e9signation et l'apathie semblent avoir pris le pas sur le d\u00e9sir de faire rupture et de consacrer une partie consid\u00e9rable de son existence \u00e0 faire cette satan\u00e9e R\u00e9volution ! \n\nUn engagement complexe faisant partie de l'histoire des luttes, qu'on se propose donc de discuter ensemble \u00e0 la biblioth\u00e8que. Voir aussi Le texte sur le site des fleurs arctiques " ,
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Thèmes :
Autre
Lutte des classes, travail et internationalisme
Type d'événement :
Réunion publique
Quand ?
Le 22 juin à 16h30,
Où ?
Les Fleurs Arctiques
45 Rue du Pré Saint-Gervais 75019 Paris
Avant mai 68, le PC voit naître de nombreux groupes formés en son sein devenir dissidents, voulant s’écarter de la ligne post-stalinienne en réaction à la politique de l’URSS, jugée alors « révisionniste ». Ces groupes s’enthousiasment alors pour la (sanglante) Révolution culturelle chinoise poussée par Mao, et voit dans la Chine la nouvelle patrie modèle du marxisme-léninisme.
En mai 68, dans les grèves et les occupations traversées par un foisonnement de tendances très diverses (libertaires, trotskistes, marxiste-léninistes, mao-spontex…), les maoïstes constituent une part importante du mouvement. Quand celui-ci touche à sa fin, enterré par les accords de Grenelle signés par la CGT, c’est l’occasion pour eux de prôner la prise de distance avec les syndicats et de recentrer l’activité sur la création de l’organisation « à la base » au sein même des usines, avec l’incorporation volontaire de militants de l’avant-garde maoïste dans les usines, censés procéder à l’accentuation des luttes internes aux fabriques contre les tendances réformistes et « révisionnistes » et pousser l’idéologie marxiste-léniniste. C’est le mouvement des établis.
De nombreux intellectuels maoïstes vont ainsi cacher leur statut initial et se faire embaucher dans les usines comme ouvriers spécialisés. Robert Linhart, normalien, élève de Louis Althusser, et militant mao à la Gauche Prolétarienne, est l’un deux. Il se fait embaucher à l’usine Citroën à Porte de Choisy en septembre 1968 et reste à travailler 1 an dans l’assemblage et le travail à la chaîne. Il en tirera le livre "L’Etabli" sorti en 1978, où il détaille premièrement son accommodement difficile à la vie d’ouvrier (la dureté du travail à la chaîne, les gestes répétitifs harassants, la fatigue physique, les brimades et les pressions exercées par les petits chefs) mais aussi l’organisation du travail à l’usine par les méthodes de surveillance, la répartition raciste des ouvriers, les rapports quotidiens avec les syndicats. Puis, le livre donne le récit de l’organisation de la lutte dans l’usine à travers le déclenchement d’une grève et les débats, les délibérations et les négociations qu’elle provoque. "L’Etabli" a été adapté en film en 2023 par Mathias Gokalp. On se propose de le visionner ensemble puis de discuter plus largement de la question de l’établissement, en profitant de quelques retours d’expérience.
Ce sera l’occasion ainsi d’interroger la pratique de l’établissement et ce qu’elle traduit dans le rapport idéologique et fétichiste à la « classe ouvrière » et à en « faire l’expérience de sa condition » dont ont pu faire preuve les maos mais aussi d’autres sous des formes différentes. On se rappelle que presque 40 ans auparavant, Simone Weil, jeune professeur de philosophie et révolutionnaire, décidait également de devenir ouvrière sur presse chez Alsthom puis fraiseuse chez Renault, expérience dont elle contera la dureté dans son Journal d’usine. Comme Linhart d’ailleurs, elle abrégea son expérience en raison d’un épuisement physique et psychologique (de fait, peu d’établis iront jusqu’à dépasser quelques années d’établissement face à la dureté du quotidien mais aussi les changements dans le quotidien qu’il implique face à la famille, les amis, les collègues à l’usine…), voyant de fait que l’écrasant quotidien ouvrier laisse plus difficilement la place à la lutte.
On pourra aussi réfléchir plus largement au rapport des révolutionnaires à l’ « enquête ouvrière » (c’est-à-dire l’idée qu’il faut enquêter sur les conditions de vie concrète des ouvriers pour parfaire la théorie et la pratique révolutionnaire) prôné régulièrement par des révolutionnaires depuis le XIXe siècle, de Karl Marx aux opéraïstes italiens dont certaines théories ont eu une influence dans l’Automne Chaud et le Mai Rampant italien en passant par les maos, qui ont poussé cette réflexion à son paroxysme.
Sur un autre plan, s’il y a fort à critiquer dans le rapport idéologique à l’usine et à « faire l’expérience de la vie de l’ouvrier », bercé par les illusions autoritaires et ouvriéristes maoïstes, il reste de l’expérience de tous ces établis un engagement conséquent, un dévouement à la lutte, qui paraît en décalage avec notre époque, où la résignation et l’apathie semblent avoir pris le pas sur le désir de faire rupture et de consacrer une partie considérable de son existence à faire cette satanée Révolution !
Un engagement complexe faisant partie de l’histoire des luttes, qu’on se propose donc de discuter ensemble à la bibliothèque.